Grandes Découvertes
Grandes Découvertes
L’idée que la vie peut apparaitre spontanément à partir de l’association d’éléments non animés dans des conditions spéciales comme la putréfaction existe depuis l’Antiquité. Cette idée de la génération spontanée visant à expliquer l’origine de la vie sur Terre et introduite par Aristote fut conservée en Europe jusqu’au XIXe siècle. En effet, l’Homme avait depuis longtemps déterminé que les animaux se reproduisaient entre eux mais l’idée de l’apparition spontanée de la vie pour les micro-organismes, découverts au XVIIe siècle par Antony Van Leeuwenhoek, était admise par de nombreux scientifiques. C’est ainsi qu’au XIXe siècle certains scientifiques comme Félix Archimède Pouchet (1800-1872) pensaient que les microorganismes pouvaient prendre vie sans avoir pour source des êtres vivants et qu’ils étaient le résultat de « l’influence de forces analogues » existantes dans les animaux eux-mêmes ou ailleurs, qui entrainent « une manifestation plastique qui tend à grouper des molécules ; à leur imposer un mode spécial de vitalité dont il résulte enfin un nouvel être, en rapport avec le milieu où ses éléments ont été primitivement puisés » comme il l’écrit dans son livre l’ Hétérogénie, ou traité de la génération spontanée . Ainsi, la vie serait l’association de matières inertes.
Avant Pouchet de nombreux scientifiques et philosophes adhèrent à cette idée. L’anglais John Needham (1713-1781) réalise au XVIIIe siècle des expériences au cours desquelles il tente de stériliser des fioles contenant de la matière organique en les scellant hermétiquement et en les chauffant. Dans une de ces expériences il verse dans un bol un bouillon de viande qu’il dit sceller de manière hermétique et le fait chauffer dans des cendres, puis laisse le récipient refroidir à température ambiante. Il observe après quelques jours des microorganismes dans le récipient et conclue qu’ils sont apparus spontanément car la chaleur des cendres aurait du les détruire.
Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788), scientifique français apportera son soutient à John Needham après que l’italien Lazzaro Spallanzani (1729-1799) ait reproduit ses expériences et publie des résultats contraires aux siens. C’est le respect inspiré par Buffon qui permet à la doctrine de la génération spontanée de résister à ses détracteurs. Pouchet, héritier de la cause de Buffon et Needham au XIXe siècle réalise lui aussi des expériences pour crédibiliser sa théorie. L’une d’elles consistait en remplir d’eau bouillante un flacon de verre, le sceller hermétiquement et l’immerger dans un bac de mercure. Une fois le tout refroidi il ajoutait du foin calciné (donc stérile) et de l’oxygène dans le flacon. Il observa lui aussi l’apparition de la vie dans le flacon.
C’est la controverse Pasteur-Pouchet deux hommes dont l’approche de la science et les convictions sont différentes (le premier, chimiste et fervent chrétien ; l’autre, médecin) qui jeta un nouveau jour sur la question de la génération spontanée. Les études de Pasteur sur la fermentation dans les années 1950 ayant établi que la fermentation est due à la présence d’organismes dans l’air qui formeraient les levures lactiques qui allaient à l’encontre de la génération spontanée. La controverse fut enclenchée lorsque Pouchet en 1859 demanda à Pasteur son avis sur la génération spontanée. Pasteur répondit au sujet des expériences de Pouchet qu’il avait introduit de l’air commun ou des microorganismes à son insu et que donc ces expériences n’étaient pas fiables. En effet, il savait que le mercure (qu’utilisait Pouchet dans ses expériences) n’était pas une solution stérile, et plutôt sale. Par ailleurs, on découvrit plus tard que le foin contient des bacilles pouvant résister à la chaleur et qu’il n’est pas possible de le stériliser en le chauffant.
Pouchet et Pasteur se confrontèrent alors devant l’Académie des Sciences et le débat dura jusqu’à la mort de Pouchet en 1872. Pasteur qui avait tout intérêt à démentir la génération spontanée qui allait à l’encontre des principes de l’Eglise, de l’empereur Napoléon III et ses propres convictions religieuses. Cela lui permettrait aussi d’appuyer ses recherches sur la fermentation.
Ne s’étant pas intéressé à la génération spontanée auparavant il lui faut un certain temps pour mener sa propre étude. Il réalise d’abord les expériences de Pouchet en obtenant parfois les mêmes résultats mais en juin 1861 il présente à l’Académie des sciences son Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère. Examen de la doctrine des générations spontanées. Ce mémoire est notamment composé de trois expériences que Pasteur mis en œuvre pour infirmer la thèse de la génération spontanée. Il invente des systèmes ingénieux pour chacune des 3 expériences qu’il présente en y insérant des milieux et organismes qu’il connait bien, les mêmes qu’il a utilisé pour prouver que la fermentation est due aux microorganismes de l’air. La première expérience détermine le fait que si on expose une préparation à l’air calciné elle reste stérile mais si l’air n’est pas calciné elle est envahit par des germes. La seconde expérience prouve qu’il y a bien des germes dans l’air : il recueille les germes en filtrant l’air avec du coton. La troisième prouve que ce sont ces germes qui se développent dans la préparation : il insère les germes obtenues dans la seconde expérience dans une préparation semblable à celle de la première expérience mais stérile cette fois. Pasteur remporte ainsi l’adhésion de l’Académie des sciences.
Pouchet, lui n’est toujours pas convaincu et Pasteur mène sa célèbre expérience des fioles à col-de-cygne. Il reprend l’expérience de Needham en remplaçant le récipient par ses fioles à col-de-cygne. Le col de ces fioles est tellement étroit que les germes s’y bloquent et même laissée au contact de l’air ambiant la solution reste stérile. On ne pouvait pas l’accuser d’avoir « malmené » l’air à un tel degré que l’apparition spontanée de la vie ne soit plus possible.
Pouchet chercha alors par tous les moyens à relancer le débat mais l’Académie de Sciences tranche en faveur de Pasteur en 1865. A la mort de Pouchet la question est définitivement close.
L’infirmation de la génération spontanée eut un impact important sur la société de l’époque : tandis que des scientifiques tels que Darwin et Lamarck basaient leurs études sur la génération spontanée et l’Eglise perdaient de son influence cette découverte relance la question de l’origine de la vie. Cette controverse donne également un élan à la microbiologie et aux méthodes expérimentales. Les travaux sur la fermentation de Pasteur se retrouvèrent enrichis et il pu désormais affirmer que la fermentation était provoquée par des organismes transportés dans l’air. Ce passage de la science permet d’expliquer les travaux que Pasteur réalisera plus tard et qui eurent un impact fulgurant sur la médecine occidentale. En effet, la réfutation de la génération spontanée prouve que les germes sont bien présents dans l’air et ne naissent pas spontanément dans l’homme ou dans des milieux donnés. Les germes responsables des maladies proviennent donc de l’air. Les pratiques dans les hôpitaux lors des épidémies où les gens malades ou sain étaient réunis dans la même pièce auraient donc été des pratiques dangereuses et peu hygiéniques. De plus on a prouvé ici les germes responsables des maladies ne pouvaient pas naître à l’intérieur de l’homme et qu’il se trouvait forcément contaminé par contact avec ces germes.
Félix Archimède Pouchet
(1800-1872)
Biologiste français, avocat de la théorie de l’hétérogénie qui est une théorie de la génération spontanée. Adversaire des thèses de Pasteur.
Laboratoire Pouchet
Laboratoire Pasteur
Félix A. Pouchet
Louis Pasteur